Nathalie Colette-Basecqz

Nathalie Colette-Basecqz est une femme aux multiples casquettes. Avocate au barreau de Nivelles, elle est également professeure à l'Université de Namur depuis 2006 et assure par ailleurs la présidence de l'ADANam, l'Association des anciens de la Faculté de droit de Namur, depuis 2013. Elle-même ancienne de la promotion 1988-1989, elle a accepté de nous évoquer quelques souvenirs de ses candidatures et revient sur le parcours qui l'a amenée à enseigner le droit pénal et le droit international humanitaire.
 
M. ANDRÉ : Pourquoi avez-vous choisi de suivre des études de droit ? Et pourquoi à Namur?

N. COLETTE-BASECQZ : Le choix n’a pas été immédiat. Au départ, j’hésitais avec le journalisme et les langues. En tous cas, je voulais m’orienter dans le domaine littéraire. Je crois que j’ai finalement opté pour les études de droit car elles offraient un bagage diversifié. Le fait que j’avais un oncle juriste a sans doute joué un peu aussi. Quant au choix de Namur, il s’est imposé dans la mesure où plusieurs membres de ma famille habitaient la région. La ville m’était donc familière et j’y étais attachée tout simplement.

 

 

M. ANDRÉ : Comment vous remémorez-vous l’ambiance de la faculté à l’époque de vos candidatures?

N. COLETTE-BASECQZ : J’ai démarré mes candidatures en 1987 et je ne garde que de bons souvenirs de cette période. Comme j’étais d’un tempérament actif, je me suis très tôt impliquée dans le Cercle européen, qui rassemblait des étudiants de diverses facultés. Nous organisions toutes sortes d’activités, notamment des visites du Parlement et de la Commission européenne, des conférences, mais aussi des événements plus festifs. À côté de ça, j’aimais aussi profiter de la vie étudiante sur le campus. Comme je ne kotais pas, j’allais régulièrement dormir chez une amie lors des soirées. Au sein de la faculté de droit, l’ambiance était très bonne. Les étudiants n’étaient pas considérés comme des numéros. Aux examens, les professeurs se souvenaient généralement de nos noms. Il y avait une proximité avec le corps enseignant que je n’ai pas retrouvée ailleurs par la suite.

 

M. ANDRÉ : Quel(s) souvenir(s) gardez-vous de vos professeurs namurois?

N. COLETTE-BASECQZ : J’ai encore connu les professeurs Maon et Cerexhe, qui ont marqué plusieurs générations d’étudiants. Je me rappelle qu’Étienne Cerexhe nous interrogeait souvent pendant ses cours. Comme il désignait quelqu’un au hasard dans l’auditoire, c’était toujours un peu stressant. Un professeur qui m’a particulièrement marquée est Jacques Baufay, qui donnait le cours de philosophie. Ses leçons étaient vraiment passionnantes. En 2ème candidature, j’avais le professeur Jean du Jardin, qui m’a donné le goût du droit pénal. Je l’ai d’ailleurs retrouvé plus tard, à Louvain-la-Neuve, lorsque j’étais assistante. Je me souviens aussi de mon professeur d’économie, Baudouin Meunier, qui s’amusait à imiter Franck Sinatra pendant les cours.

 

 

M. ANDRÉ : Après les candidatures, vous avez poursuivi vos licences à l’Université Catholique de Louvain. Quelles étaient les différences avec Namur?

N. COLETTE-BASECQZ : Il est évident qu’on ne retrouvait pas la même proximité avec les professeurs qu’à Namur, car nous étions beaucoup plus nombreux dans l’auditoire. L’ambiance était certainement moins familiale. Ceci dit, je n’ai pas vraiment eu de difficulté à m’adapter et je me suis même inscrite à l’European Law Students’ Association (ELSA) pour prolonger mon engagement namurois dans le Cercle européen.

 

M. ANDRÉ : Une fois diplômée, quelle a été la suite de votre parcours professionnel?

N. COLETTE-BASECQZ : À ma sortie d’études, je n’avais que 22 ans et pourtant, j’ai tout de suite ressenti le besoin de m’engager dans la vie active. Je me suis donc inscrite au barreau et j’ai fait mon stage à mi-temps en droit familial chez Maître Renchon, à Uccle. Parallèlement, j’ai été engagée à l’UCL comme assistante en droit pénal du professeur Christiane Hennau. Elle avait repris la chaire de Jacques Verhaegen, qui avait été mon professeur de droit pénal en licences. C’est elle qui m’a donné le goût du droit médical. J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler à ses côtés.

Après mon stage d’avocate, j’ai développé suffisamment d’activités pour pouvoir me mettre à mon propre compte et je me suis installée à Limal, au barreau de Nivelles. J’ai poursuivi mon mandat d’assistante à mi-temps, mais à l’époque je n’envisageais pas encore de faire une thèse de doctorat car je ne me sentais pas suffisamment mûre. L’idée a néanmoins fait son chemin grâce aux encouragements de Christiane Hennau, et j’ai officiellement déposé mon projet en janvier 1999.

Finalement, en 2006, alors que j’achevais ma thèse, un poste de professeur en droit pénal et en droit de la procédure pénale s’est ouvert à Namur suite à la réforme de Bologne. J’ai évidemment sauté sur l’occasion. C’est ainsi que j’ai retrouvé, pour mon plus grand bonheur, la faculté de droit de Namur, 17 ans après l’avoir quittée comme étudiante.

 

 

M. ANDRÉ : L’année 2006 marque donc un retour aux sources. Comment avez-vous vécu le fait de devenir la collègue de certains de vos anciens professeurs et/ou assistants?

N. COLETTE-BASECQZ : Ça n’a occasionné aucune gêne particulière, et je dirais même au contraire que c’était un plaisir de les retrouver comme collègues. C’est sans doute dû au fait qu’à l’époque où j’étais en candidature, les professeurs concernés – je pense notamment à Yves Poullet – se montraient déjà très accessibles vis-à-vis des étudiants.

 

M. ANDRÉ : Le droit pénal et la procédure pénale étaient-elles des matières que vous aviez beaucoup pratiquées auparavant?

N. COLETTE-BASECQZ : Lors de mon stage à Uccle, j’ai eu l’occasion de faire beaucoup de pénal car le cabinet était situé près des prisons. J’allais ainsi régulièrement à Forest, à Saint-Gilles ou à Berkendael. En tant qu’assistante à l’UCL, j’ai aussi eu l’occasion d’enseigner ces matières lorsque, à la fin de mon mandat, j’ai dû remplacer Christiane Hennau au pied levé car elle était tombée gravement malade. Quand elle nous a malheureusement quittés, j’ai continué à donner ses cours de pénal aux étudiants juristes et j’ai également assuré des cours de droit médical pour les étudiants en psychologie et en kiné. Grâce à cette expérience, j’étais donc à l’aise quand j’ai commencé à enseigner à Namur. En plus, j’avais l’habitude des grands auditoires de Louvain-la-Neuve, donc je me suis toute de suite sentie dans mon élément.

 

M. ANDRÉ : Vous vous êtes aussi intéressée au droit international humanitaire. Cet intérêt se manifeste d’ailleurs chaque année par la participation de la faculté à un procès simulé en DIH organisé par la Croix-Rouge. D’où vient ce projet?

N. COLETTE-BASECQZ : Mon intérêt pour le droit international humanitaire remonte en fait à l’époque où j’étais en licence. Comme membre d’ELSA, j’avais déjà organisé une conférence en partenariat avec Médecins Sans Frontières sur le thème des soins dans les conflits armés. J’avais aussi réalisé un travail sur la protection des journalistes dans les pays en guerre. Mais mon intérêt s’est surtout développé en suivant le cours de droit international pénal et conflits armés de Jacques Verhaegen, au point d’ailleurs que j’ai décidé de suivre des cours d’été sur le sujet à Dijon. La première année où j’étais assistante, j’ai ensuite coaché une équipe d’étudiants qui participaient à la demi-finale du concours Pictet en DIH, à Montréal. Plus tard, cela m’a amenée avec une collègue à proposer de remplacer la formule écrite du concours DIH de la Croix-Rouge par un procès simulé. Finalement, quand j’ai été engagée à Namur, nous avons mis en place les midis du DIH avec mon assistante, Noémie Blaise, qui se passionnait aussi pour ces matières. Il n’a alors pas fallu longtemps pour que nous décidions de faire participer nos étudiants au concours annuel de la Croix-Rouge. C’était une manière originale et ludique de les confronter aux questions de droit international humanitaire.

 

 

M. ANDRÉ : Depuis plusieurs années, vous assurez également la présidence de l’ADANam, l’association des anciens étudiants de la faculté fondée en 1973. Quel est son rôle aujourd’hui et quels sont les grands projets à venir?

N. COLETTE-BASECQZ : L’ADANam vise d’abord à maintenir le contact avec les anciens et à les informer des activités de la faculté et de nos centres de recherches. Elle organise des conférences sur des questions d’actualité juridique mais aussi des événements plus festifs, comme des soupers de retrouvailles entre étudiants d’une même promotion. Elle permet également de favoriser la rencontre des étudiants avec les professionnels du droit et peut également leur apporter une aide dans la recherche d’emplois. Parmi les projets futurs, nous avons déjà programmé plusieurs conférences, dont une sur la réforme des successions, et envisageons d’organiser un souper entre anciens de la revue qui mêlerait plusieurs promotions. Je peux en tous cas compter sur le soutien d’une équipe jeune et dynamique pour insuffler chaque année de nouvelles idées.

 

 

M. ANDRÉ : De manière générale, que vous apportent l’enseignement et la recherche à la faculté de droit par rapport à votre métier d’avocate?

N. COLETTE-BASECQZ : Les trois sont en fait très complémentaires. Ma pratique d’avocate me permet en effet d’enrichir et d’illustrer mes cours par des exemples concrets. C’est également une source d’inspiration pour sensibiliser les étudiants à certaines problématiques. Inversement, la recherche et l’enseignement m’offrent des connaissances et des outils avec lesquels je peux travailler beaucoup plus en profondeur mes dossiers d’avocate. L’exercice de vulgarisation, qui fait partie intégrante de la pédagogie et de l’enseignement, me permet aussi de tenir un discours beaucoup plus clair avec mes clients. C’est d’autant plus utile dans la mesure où, de prime abord, ils sont souvent déroutés par la complexité du langage juridique. L’apport joue donc vraiment dans les deux sens. 

 

M. ANDRÉ : Quel(s) mot(s) associerez-vous à la faculté de droit de Namur?

N. COLETTE-BASECQZ : Spontanément, je dirais « convivialité », « engagement » et « ouverture ».

 

M. ANDRÉ : Et pour conclure en cette année de 50e anniversaire, un petit mot à adresser aux anciens qui nous lisent?

N. COLETTE-BASECQZ : Je souhaiterais d’abord leur dire qu’on les attend nombreux aux cérémonies du 13 octobre et qu’on se réjouit de les revoir. J’aimerais aussi leur dire que l’ADANam a besoin d’eux, que ce soit pour proposer de nouveaux projets ou s’investir dans nos activités. J’attire à cet égard leur attention sur le fait que nous recherchons activement des maîtres de stage pour former les jeunes générations et leur inculquer, dès le bachelier, une dimension plus pratique du droit. Mais nous sommes aussi à leur écoute pour nous réinventer et introduire de nouvelles initiatives.