Christiane Delvigne

Si on associe généralement une faculté à ses professeurs et, dans une moindre mesure, à ses assistants, bref aux acteurs de l’enseignement, on met en revanche moins souvent en avant les membres de son personnel administratif. Pourtant, ces derniers méritent autant, si pas davantage, de reconnaissance que les premiers. Car, après tout, ce sont eux qui font fonctionner l’institution au quotidien, eux qui gèrent le processus d’inscription des étudiants sans lequel la matière grise et les talents oratoires des enseignants ne trouveraient pas à s’exprimer, eux encore qui veillent à tous les aspects logistiques nécessaires à une formation universitaire de qualité. Aussi, en ce 50e anniversaire de la faculté de droit de Namur, il nous paraissait essentiel de sortir de l'ombre ces acteurs indispensables. Dans ce but, nous avons recueilli les propos de Christiane Delvigne, secrétaire pendant près de 20 ans, qui se souvient de la faculté comme d’une grande famille.
 
M. ANDRÉ : Quand avez-vous commencé à travailler à la faculté de droit?

C. DELVIGNE : En fait, j’ai d’abord travaillé un an à la faculté lorsqu’elle était encore installée à la rue Ernotte. C’était à la fin des années soixante et, à cette époque, je m’occupais de la bibliothèque. Avec le Père Maon, nous nous rendions régulièrement à Bruges pour acquérir des livres dans d’anciennes bibliothèques. Je conduisais une vieille Simca et, comme le Père Maon n’arrêtait pas de me parler durant le trajet, c’était une véritable épopée (rires). Parallèlement, je m’occupais aussi de référencer et de classer tous les ouvrages, revues et autres documents dont nous faisions l’acquisition.

Par la suite, j’ai quitté la faculté pour devenir gérante d’une pharmacie. Je ne suis revenue à la faculté de droit que bien des années plus tard comme intérimaire pour remplacer Christine Danneel au CRID. Avant cela, j’avais toutefois assuré divers remplacements dans d’autres facultés (éco, lettres, informatique), si bien que je connaissais déjà beaucoup de monde au sein de l’Université. Après mon remplacement au CRID, j’ai finalement décroché un contrat à durée indéterminée en 1997. À partir de cette date, j’ai travaillé simultanément pour le secrétariat de la faculté de droit et pour celui du centre de recherches Droits fondamentaux & Lien social (Df&Ls) dont Xavier Dijon était le fondateur et directeur. En fin de carrière, je suis retourné au CRIDS pour m’occuper des publications du centre.

 

M. ANDRÉ : Qu’avez-vous apprécié dans cette faculté au niveau de l’ambiance de travail ?

C. DELVIGNE : Par comparaison avec d’autres facultés où j’avais travaillé auparavant, je trouve qu’il régnait à la faculté de droit un profond sentiment de respect et de reconnaissance du travail des autres à tous les niveaux. La hiérarchie était moins prégnante, c’est l'esprit de collaboration qui primait avant tout.

 

M. ANDRÉ : Quels ont été vos plus grands défis durant votre parcours en faculté de droit ?

C. DELVIGNE : L’informatisation a constitué un véritable défi dans mon travail en particulier et dans celui des secrétariats en général. Il a fallu nous réorganiser, modifier nos méthodes et suivre des formations. Du jour au lendemain ou presque, nous devions changer nos vieilles habitudes. Madame Spineux, qui occupait le poste de secrétaire de la faculté depuis sa création en 1967, en connaissait parfaitement les structures, mais il a fallu s'adapter aux nouvelles technologies. Bref, ça n’était pas de tout repos. Heureusement, nous avons pu compter sur l’aide de Jacques Gérard, qui nous a bien préparés à l’utilisation des nouveaux outils informatiques.

 

M. ANDRÉ : Vous venez d’évoquer Madame Spineux, première secrétaire de la faculté. Comment s’est déroulé votre travail à ses côtés ?

C. DELVIGNE : A vrai dire, je connais Jacqueline Spineux depuis 50 ans. Nous avons fait toute notre jeunesse ensemble. Le travail à la faculté de droit n’a finalement été qu’une étape de plus dans notre vie commune. Je dirais qu’il nous a permis d’être plus complices. Et c’est sans doute dû au fait que nous étions complémentaires dans notre travail : j’avais une ouverture envers les méthodes nouvelles et elle avait l’expérience et la connaissance historique de l’institution. Nos relations étaient donc très bonnes.

 

 

M. ANDRÉ : Vous avez aussi côtoyé un grand nombre de professeurs et d’assistants au cours de votre carrière. Y en a-t-il dont vous gardez un souvenir particulièrement marquant ?

C. DELVIGNE : J'ai beaucoup travaillé avec Xavier Thunis pour la collection des travaux de la faculté de droit. Je garde aussi d’excellents souvenirs de Jacques Gérard, de Yves Poullet évidemment, de Nathalie Colette-Basecqz, de son assistante Noémie Blaise, d’Étienne Montero, de Marc Nihoul, mais aussi et surtout de Bruno Colson. Son décanat a vraiment été une période lumineuse. C’était une vraie force tranquille, et il est parvenu à démêler des situations critiques. Actuellement, j’entretiens toujours de bons contacts avec certains membres du personnel, comme Jean-Marie Cheffert, Marie-Amélie Delvaux, Catherine Bert. Je les revois d'ailleurs assez régulièrement.

 

M. ANDRÉ : La réforme de Bologne, avec l’ajout d’une troisième année d’étude (2004) et l’augmentation consécutive du nombre d’étudiants, a-t-elle eu un impact important sur le travail du secrétariat de la Faculté en général, et le vôtre en particulier ?

C. DELVIGNE : Il y a clairement eu un surcroît de travail à ce moment-là… et aussi beaucoup de tâtonnements car la législation n’était pas toujours claire. Il a fallu refondre les cours, réorganiser les horaires, revoir la distribution des matières entre les professeurs, etc. Ça a été un grand bouleversement, qui a aussi impliqué la construction de deux étages supplémentaires pour aménager de nouveaux bureaux.

 

M. ANDRÉ : Quels souvenirs particulièrement marquants gardez-vous de votre carrière à la Faculté de droit ?

C. DELVIGNE : Je garde un très beau souvenir des festivités organisées pour le départ de Jacqueline Spineux et le mien quelques années plus tard. Ça a été véritablement des événements phares, avec des sketches, des chansons, etc. C’est en repensant à des moments pareils que je me dis que la faculté de droit était un peu comme une grande famille. Je me souviens également de la cérémonie organisée pour l’éméritat d’Étienne Cerexhe. C’était un évènement important, qui avait amené de nombreuses personnalités du monde politique, judiciaire et universitaire. Et puis il y a tous ces petits moments du quotidien, les pauses-café, les repas de midi en été, les soupers de fin d’année, le sentiment de satisfaction et de soulagement après avoir travaillé bien tard avec ses collègues pour clôturer un projet ou une publication.

 

 
M. ANDRÉ : Si vous deviez décrire la Faculté en un mot, lequel choisiriez-vous ?

C. DELVIGNE : « Convivialité » dans son sens étymologique, c’est-à-dire le plaisir de vivre ensemble.

 

M. ANDRÉ : Que souhaitez-vous à la « relève » pour les prochaines années ?

C. DELVIGNE : Je souhaite à la faculté de perpétuer son esprit de famille si singulier tout en continuant à ambitionner de grands projets.