1992-2006 : élargissement et rénovation de l'enseignement

En 1992, la faculté de droit de Namur arbore un visage bien différent de celui qu’elle présentait à sa naissance 25 ans plus tôt. Aux salles de classe vétustes et exigües de la rue Ernotte, ont succédé les auditoires modernes et spacieux du Rempart de la Vierge et du campus universitaire. Le nombre d’étudiants, autrefois limité à une petite centaine en première année, dépasse désormais la barre des 600 inscrits, obligeant d’ailleurs les autorités académiques à procéder au dédoublement des cours pendant plusieurs années. Au niveau de l’enseignement, le programme conserve un bagage en sciences humaines conséquent mais laisse progressivement davantage de place aux matières juridiques stricto sensu. Quant à la recherche, si elle était quasiment inexistante de l’institution à la fin des années 1960, elle s’exprime dorénavant à travers trois centres de recherches dynamiques qui ont fait de l’interdisciplinarité leur leitmotiv. Enfin, le corps enseignant de l’institution s’est renouvelé et compte un nombre toujours plus élevé de professeurs laïcs, qui ont derrière eux une carrière d’assistant ou de chercheur. Cette transformation de la faculté allait se poursuivre au cours des années 1990 et culminer, au début des années 2000, avec l’introduction du bachelier par la réforme dite « de Bologne ».

 

    

 

     Une première nouveauté intervient en 1994. Par un décret du 5 septembre relatif au régime des études universitaires et des grades académiques, la faculté de droit est désormais habilitée à décerner le titre de docteur moyennant la réalisation et la défense d’une thèse de doctorat. C’est un futur doyen, Marc Nihoul, qui inaugure le bal des soutenances en octobre 2000 avec une dissertation en droit public sur « Les privilèges du préalable et de l’exécution d’office ». Le mois suivant, il est suivi par Cécile de Terwangne, dont la thèse consacrée à la société de l’information et à la mission publique d’information s’inscrit dans les recherches du CRID. C’est le début d’une longue série, qui voit s’affirmer une réelle dynamique de la recherche au sein d’une faculté pourtant « incomplète ».

     L’année 1996 amène un autre changement substantiel. À l’occasion du départ à la retraite de certains professeurs, le programme des cours s’adapte à une harmonisation des enseignements de premier cycle qui voit le droit occuper une place plus importante. De nouvelles matières sont ainsi introduites en deuxième candidature, comme le droit des obligations et le droit comparé. En première année, le droit constitutionnel s’impose tandis que la présentation des sources et de la méthodologie renforce son ancrage. Le cours de droit romain classique évolue et s’intitule désormais « Fondements romains du droit privé actuel ». Cette évolution est également perceptible à la bibliothèque de la faculté, qui cède à cette époque tous ses ouvrages non juridiques à la Bibliothèque universitaire Moretus Plantin (BUMP). Les sciences humaines n’en gardent pas moins une place de choix dans l’apprentissage avec plusieurs cours d’histoire, une solide base en économie, une introduction à la psychologie et à la sociologie, un cours de métaphysique, etc. L’année 1996 voit également le Centre droit et sécurité d’existence faire peau neuve à l’occasion de son dixième anniversaire. Rebaptisé Centre droits fondamentaux & Lien social (Df&Ls), il élargit son champ d’investigation aux questions de droit international pénal, en particulier la répression des crimes contre l’humanité, laquelle fera par la suite l’objet d’une unité de recherche distincte.

     Fin 1996, une page importante de l’histoire de la faculté se tourne : Étienne Cerexhe, son fondateur et premier doyen, accède à l’éméritat. La cérémonie organisée en son honneur le 22 novembre a pour thème « la loyauté », allusion au concept de loyauté fédérale qu’il a fait inscrire comme sénateur à l’article 143, §1er de la Constitution belge. L’hommage est à la hauteur du personnage et de sa brillante carrière. L’amphithéâtre Pedro Arrupe, le plus grand des FUNDP à cette époque, déborde littéralement des 1200 invités venus célébrer son départ de la scène universitaire. Parmi eux, figurent rien moins que les plus importantes autorités politiques du pays, comme le Premier Ministre Jean-Luc Dehaene et le Vice-Premier Ministre Philippe Maystadt. Sont également présents des juges, des procureurs, des présidents de cours et de tribunaux, des recteurs d’université, mais aussi de nombreux amis et collègues. Tous viennent saluer l’immense œuvre pédagogique, scientifique et politique qu’a bâtie Étienne Cerexhe au cours des 30 années où il fût professeur, doyen, directeur de centre, juge, chef de cabinet et sénateur.

 

 

     L’année suivante est marquée par le trentième anniversaire de la faculté. Le nouveau doyen en place, René Robaye, confie l’organisation de la cérémonie à Paulin Duchesne. Le choix est judicieux, car le professeur Duchesne fait partie des rares membres du personnel encore en fonction qui ont connu la faculté depuis sa création en 1967. Il en connaît donc l’histoire sur le bout des doigts. La célébration, qui a lieu le 6 novembre, se veut sobre mais conviviale.  À la tribune, se succèdent plusieurs orateurs, dont le bourgmestre de Namur Jean-Louis Close et un ancien étudiant connu aujourd’hui pour ses talents de commentateur sportif, Rodriguo Beenkens. L’assemblée a également le plaisir d’assister à une séance de prestidigitation exécutée par l’abbé Philippe Thiry, professeur de logique et de sciences religieuses. Au printemps suivant, la Faculté de droit participe aux différentes manifestations d’hommage au professeur Léo Moulin, qui y enseigna la sociologie politique de 1972 à 1979. De concert avec la BUMP, elle accueille une exposition itinérante retraçant son œuvre et lui dédie sa salle académique. À l’occasion de son trentième anniversaire, la Faculté caresse également le projet d’organiser une formation de deuxième cycle en partenariat avec une autre université. Pendant plus de deux ans, le doyen entretient des contacts à ce sujet avec l’Université de Liège. Les négociations n’aboutiront malheureusement pas et le projet sera finalement abandonné.

 

 

     La fin du siècle se clôture sur un autre anniversaire. Du 8 au 10 novembre 1999, le CRID fête en effet ses 20 ans avec un congrès sur le thème « Vers un nouveau droit des technologies de l’information ? ». À cette occasion, un très grand nombre de chercheurs venus de Belgique et de l’étranger discutent des enjeux juridiques – mais aussi socio-économiques et techniques – liés à l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans la société. Les travaux se structurent dans des séances plénières, des workshops et des ateliers dédiés plus spécifiquement aux grands axes de recherche du CRID : le commerce électronique, la propriété intellectuelle, la protection des libertés et de la vie privée dans la société de l'information et les télécommunications (analyses juridiques et réflexions économiques de politique réglementaire). À ces axes s’ajoute un cinquième, « convergence-TIC », dans le contexte duquel plusieurs recherches sont menées en matière de systèmes d’experts juridiques et de cybercriminalité. Dans la foulée de ces travaux, le CRID lancera des cycles de formation continuée en droit des technologies de l’information et de la communication ("JuriTIC") qui s’adressent à des juristes, des cadres d’entreprises et d’administrations, ainsi qu’à des praticiens du droit.

     À l’aube du 21e siècle, d’importants changements se profilent pour les universités belges. En 2001, les responsables facultaires reçoivent une première information sur le système des « crédits » ou ECTS (European Credit Transfer System). Deux ans plus tard, alors que le nouvel aménagement des études se précise dans le cadre du processus de Bologne, le programme de candidature de la faculté fait l’objet d’une évaluation. Conduite par des experts francophones et néerlandophones, cet audit se montre très favorable et place d’ailleurs la Faculté de droit de Namur à la première place pour la qualité de sa formation. L’année 2004 est celle de l’introduction du bachelier, qui étale le programme de premier cycle sur trois ans au lieu de deux. Ce changement profite évidemment à la Faculté de droit ; désormais, toute la formation de base des juristes peut se réaliser en ses murs. Le programme de cours s’adapte en conséquence et de nouvelles matières juridiques font leur entrée : droit administratif, droit pénal, procédure pénale, droit judiciaire, droit des biens, droit de la famille, droits intellectuels, droit social et droit commercial. En parallèle, le personnel de la faculté s’étoffe, nécessitant des travaux d’extension des bâtiments. Outre l’agrandissement de la bibliothèque, qui voit sa superficie presque doublée, un quatrième étage est ainsi ajouté, surmonté d’un cinquième limité à une nouvelle salle académique plus spacieuse. Ces nouveaux locaux sont inaugurés le 8 décembre 2006 en présence du recteur Michel Scheuer et du Conseil d’administration de l’université.

 

 

     Les changements et nouveautés introduits par la réforme de Bologne n’empêchent pas la faculté de mener de front d’autres projets. Dans le domaine de la recherche, l’année 2003 coïncide ainsi avec la création d’un nouveau centre de recherches, le « Centre protection juridique du citoyen » (PROJUCIT), qui s’intéresse aux droits du citoyen et à l’ordre public de manière générale. Privilégiant une approche multidisciplinaire, il entend se dégager du carcan des lignes de démarcations traditionnelles entre droit civil, droit pénal, droit constitutionnel, droit administratif et droit social. Il étudie plus particulièrement certains mécanismes de protection tels que la responsabilité pénale des personnes morales ou le contrôle de légalité. Il s’attache aussi aux minorités et aux victimes de conflits armés et entretient à cet égard une collaboration étroite avec le Centre Df&Ls. Dans un tout autre registre, la Faculté de droit profite de ses 35 ans pour relancer, en mars 2003, l’Association des Anciens, rebaptisée ADANam à cette occasion. L’année suivante, de nombreux anciens sont d’ailleurs conviés pour célébrer le bicentenaire du Code Civil. Une conférence est consacrée à ses origines napoléoniennes. Elle est suivie d’une visite du Palais provincial, où le Premier Consul Bonaparte séjourna du 3 au 5 août 1803.

 

     À presque 40 ans, la Faculté de droit de Namur peut s’enorgueillir de son évolution. De 1994 à 2004, elle a considérablement enrichi son programme d’enseignement par l’ouverture d’un troisième cycle de doctorat et la mise en place du bachelier, qui voit les matières de droit positif s’imposer comme le cœur de la formation juridique moderne. Élargie en personnel et dotée de nouvelles infrastructures, elle jouit pleinement du dynamisme de trois centres spécialisés dont les recherches rayonnent bien au-delà de ses murs. Pour autant, elle a su conserver son « ADN » d’origine et demeure, plus que jamais, une institution à taille humaine où rigueur et convivialité se conjuguent au singulier.

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