Marc Nihoul

"Au droit citoyen!" - Discours inaugural de la séance académique prononcé par le doyen Marc Nihoul le vendredi 13 octobre 2017 au Vauban.

 

 

50 ans déjà…

Il y a 50 ans, deux hommes s’engageaient à changer le monde par la formation juridique de jeunes citoyens en devenir. Ils ont permis à plus de 8.500 étudiants de trouver une vocation, de réaliser leur rêve. Ils ont été et ont fait de nous des pionniers de la pédagogie juridique. Une pédagogie de proximité et d’exigence, fidèle à l’esprit jésuite. Ils y ont insufflés les valeurs de justice, d’humanité, d’ouverture et d’engagement que vous, anciens étudiants, étudiants et membres du personnel, faites rayonner depuis 50 ans.

Le premier n’est malheureusement plus de ce monde. Quant au second, il n’est plus en mesure de se joindre à nous. Mais je suis sûr que là où ils sont, ils nous entendent. J’ai nommé les doyens Pierre Maon et Etienne Cerexhe.

Bien sûr, ils n’étaient pas seuls. Depuis 50 ans, la Faculté de droit de Namur c’est avant tout un travail d’équipe : professeurs, assistants, secrétaires, collaborateurs, sans oublier bien entendu les étudiants. Sans eux, l’aventure ne pourrait pas être vécue. et sûrement pas de la même manière grâce à la revue et au Poullet d’or, au cercle de droit, aux activités culturelles ou moins culturelles, à la participation active des délégués dans les différents organes de la faculté, etc.

La Faculté de droit de Namur ne serait pas ce qu’elle est devenue sans ses doyens successifs, après Cerexhe et Maon : Yves Poullet, René Robaye, Bruno Colson, Etienne Montero. Ni sans ses secrétaires académiques ou vice-doyens après Maon et Cerexhe cette fois : Xavier Thunis, Xavier Dijon, Jean-Marie Cheffert notamment.

Je pense aussi à Jacqueline Spineux et son caractère bien trempé. Tout le monde s’est toujours demandé si ce n’était pas elle le véritable doyen... Et tout le monde a toujours craint de frapper à sa porte au risque de recevoir en retour le fameux « vous voyez pas qu’c’est fermé ? ». On n’a jamais osé vous le dire mais tout le monde recevait la même réponse : les étudiants, mais aussi les assistants et… les professeurs.

Je pense encore à Philippe Thiry et ses tours de magie à la poudre de perlinpinpin : il a toujours porté sur la profession un regard critique au point d’écrire un ouvrage sur le Curriculum Vitae : (je cite) « Mais que font nos professeurs d'Université pour meubler leurs journées? Ils se réunissent, organisent des colloques, soulèvent des problématiques et, surtout, soignent leur curriculum vitae, symbole de leur puissance et de leur réussite » (fin de citation). Le comble c’est que cet ouvrage fait désormais l’objet d’une ligne sur le CV du célèbre philosophe…

Je songe encore à Feu Paulin Duchêne et ses cours de comptabilité emprunts de poésie et de sagesse populaire jusque dans les dictons. Son préféré était : « Ne fais pas seulement ce que tu aimes, mais aime aussi ce que tu fais ».

Christian Franck et son sens de la formule.

Le Père Dijon et son naturel qui ne portait pas seulement sur le droit. Indépendant de nature, il n’a jamais craint enseigner à contre-courant, jusqu’aux danses folkloriques.

Robert Dethier, véritable pile électrique non déchargeable, amoureux de l’Afrique et parlant le kiswaéli.

Jacques Beaufays, qui considérait chaque cours comme le cours de sa vie, sans notes, citations à l’appui. En quête permanente de sens, il faisait l'hypothèse d'étudiants cultivés (car ce que l'on pense de la personne se ressent en elle…).

Le Père Jean Raes, qui donnait cours aux juristes sans prétendre les aimer. Improvisant ses cours comme ses sermons, il n’en était pas moins un puits de science.

Jean du Jardin et son nœud papillon, inépuisable dans ses anecdotes judiciaires, avec la précision d’un horloger qui l’a porté jusqu’aux cimes à la Cour de cassation.

Michel Coipel, Patrick Wéry, Marie-Luce Delfosse, Paul Favraux, Bernard Hanotiau, Léo Moulin, Clerfayt ,…

Yvonne Gillard et Monique Fouillien à la bibliothèque, Christiane Delvigne et Nelly Somme au secrétariat,…

Impossible de les citer tous, mais vous pouvez les retrouver sur le site officiel des 50 ans qui regorge de photos, chroniques et interviews : le détour en vaut vraiment la peine ! Ce site ne demande qu’à être alimenté !

Ce soir, la plupart de ceux que j’ai cité sont parmi nous, aux côtés de la nouvelle équipe, l’équipe actuelle au grand complet qui se réjouit du fond du cœur de vous revoir et vous accueillir.

 

Ce soir nous ne sommes pas seulement entre anciens. Nous avons le plaisir de compter parmi nous notre nouveau Recteur, Naji Habra, notre nouvelle présidente du Conseil d’administration, Emily Hoyos, notre nouvelle Première Vice-rectrice, Annick Sartenaer, notre nouvelle Vice-rectrice à l’enseignement, Annick Castiaux, et l’un de nos nouveaux administrateurs, Patrick Debucquois. Nous voyons dans leur présence le signe d’un soutien que nous voulons mutuel, à l’égard de la nouvelle équipe rectorale. Nous leur souhaitons une belle aventure à la tête de notre université, riche en rencontres et pleine de succès.

Trois doyens nous font également l’honneur de leur présence : Geneviève Schamps pour la faculté de droit de l’UCL, Yves-Henri Leleu pour l’ULiège, et Wilfried Rauws pour la VUB. Nous y voyons une marque d’amitié et le prélude à de fructueuses collaborations.

Willy Borsu, Notre Ministre-Président wallon, est également présent par l’intermédiaire de Vincent Duvigneau. Denis Mathen, notre Gouverneur préféré, qui nous fait l’honneur chaque année de partager sa science avec nos étudiants dans un cours très apprécié en matière de sécurité. Je profite de l’occasion pour l’en remercier très chaleureusement.

Stéphane Hazée et Magalie Dock, députés wallons. Caroline Persoons, députée de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Jean-Marc Van Espen, député président du collège provincial de la province de Namur.

Nos partenaires judiciaires namurois, avec qui nous collaborons étroitement : Dominique Gérard, Président du Tribunal de Première instance, Vincent Macq, procureur du Roi de Namur, et son prédécesseur Cédric Visart de Bocarmé.

Notre médiateur Wallonie-Bruxelles Marc Bertrand.

Sans oublier Diane Wattiez, la présidente de l’association des juristes namurois dont la faculté de droit est cofondatrice et partenaire impliqué et avec qui Namur rayonne en colloques et conférences tout au long des années depuis 25 ans.

 

Chers amis, voici ce que nous appelons l’esprit namurois !

Tout le monde le connaît mais les mots sont impuissants à le décrire.

A un moment clé de notre vie, il a contribué à faire de nous un citoyen à part entière, par le droit.

Un citoyen tolérant et soucieux des autres

Un citoyen responsable et autonome

Un citoyen capable, en toute liberté, de porter un jugement et de faire des choix

Un citoyen acteur de la société, capable de résister aux dérives populistes et anti-démocratiques qui reviennent en force.

Un citoyen capable de se mobiliser à tout âge, aussi, comme peut le résumer le slogan choisi pour cette soirée anniversaire : AU DROIT CITOYEN !

Au droit citoyen de la Faculté de droit de Namur !

Et parce que nous sommes fiers de nos anciens devenus citoyens du monde avec et par le droit, nous avons voulu placer cette soirée sous le signe de l’hommage.

Un hommage à vous tous grâce aux nombreuses photos projetées ce soir.

Un hommage appuyé à certains d’entre nous qui ont endossé de hautes responsabilités, le plus souvent dans la simplicité.

On l’oublie parfois, mais le droit à Namur a par exemple mené :

  • Jean-Luc Dehaene (promotion 1960) au poste de Premier ministre et au titre de ministre d’Etat, notamment ;
  • Philippe Maystadt (promotion 1967) au titre de ministre d’Etat, à la présidence d’un parti et à la présidence de l’ARES, notamment ;
  • Ivan Verougstraete (promotion 1961) aux fonctions de conseiller et de président de la Cour de cassation, notamment ;
  • Georges Jacobs (promotion 1959) à la présidence de l’Union Chimique Belge (UCB), notamment ;
  • Michel Delbaere (promotion 1972) à la présidence du VOKA, notamment ;
  • Christian Panier (promotion 1973) à la présidence du Tribunal de première instance de Namur, notamment ;
  • Alexis Deswaef (promotion 1991) à la présidence de la Ligue des Droits de l'Homme, notamment ;
  • Pierre-Frédéric Nyst (promotion 1988) à la présidence de l’Union des classes moyennes (UCM), très récemment ;
  • Philippe Morandini (promotion 1988) à la fonction de Premier Président de la Cour d’appel de Mons, encore plus récemment ;
  • Roxane D’Aoust (promotion 1991) à la fonction de bâtonnière du Barreau du Brabant wallon ;
  • Corinne Martin (promotion 2012) à la fonction de Présidente de la Fédération des Etudiants Francophones (FEF) ;
  • Opaline Meunier à la fonction de présidente de l’Unécof ;

Jacques Etienne (promotion 1972) et Maxime Prévot (promotion DTIC 2001), à la fonction Bourgmestres de la Ville de Namur et Anne Barzin (promotion 1995) et Stéphanie Scailquin (promotion 1994), toutes deux à la fonction d’échevine de la Ville de Namur.

Impossible, de nouveau, de les citer toutes et tous.

Alors ce soir nous avons choisi d’évoquer plus avant quatre parcours parmi tant d’autres. Quatre parcours qui montrent des engagements très variés qui, eux aussi, ont trouvé leur source à Namur.

Celui de Koen Lenaerts, bien entendu, aujourd’hui président de la Cour de justice de l’Union européenne. Voici plusieurs mois, il nous a offert ces quelques mots avec son habituelle modestie : (je cite) « Quel honneur tu me fais en me proposant de devenir docteur honoris causa de « ma » Faculté de Droit de Namur à laquelle je dois tant de bonnes choses dans ma vie professionnelle ! » (fin de citation)… En 2011, il confiait au magazine de l’université que c’est à Namur que s’est révélé son intérêt pour le droit européen, grâce à Etienne Cerexhe. Son attachement à la faculté est tel qu’il nous a confié trois de ses six filles, précisément celles qui ont choisi de faire le droit… Annekatrien, Marieke et Elisabet.

Mais avant de lui remettre le titre de doctor honoris causa, nous appellerons successivement trois anciens à rejoindre la professeure Nathalie Colette-Basecqz, présidente de l’Adanam (association des anciens), pour vous présenter leur parcours et leur engagement : Antoine Misonne (promotion 1995), Manuella Cadelli (promotion 1984) et Yves Poullet (promotion 1970).

 

Osons prendre des engagements citoyens

Merci encore cher Koen, du fond du cœur, d’avoir accepté notre hommage. Tu le sais : tu es ici chez toi, désormais à un double titre. Et je profite de l’occasion pour t’inviter, en même temps que tous nos anciens, aux 5 événements qui baliseront l’ensemble de cette année académique.

- Premier événement : il vient des étudiants qui sont au cœur de notre action : une action citoyenne organisée avec le cercle de droit à l’attention de tous les membres de la faculté : nos étudiants ont choisi de se tourner vers les plus démunis pour leur expliquer leurs droits et lutter ainsi contre la pauvreté. Une action qui cadre particulièrement bien avec le thème de ce soir.

- Deuxième et troisième événement : deux colloques organisés par nos deux centres de recherche dont le premier aura lieu le vendredi 20 octobre 2017 par le CRIDS sur le thème de l’intelligence artificielle et le droit. La robotisatio nous concerne tous, en qualité de juriste mais aussi de citoyen.

- Quatrième événement : l’éméritat, du professeur Yves Poullet, précédant recteur de l’université de Namur, qui aura lieu le 23 février 2018 : save the date ! comme on dit dans ces cas-là.

- Cinquième événement : c’est la soirée d’aujourd’hui qui, par votre présence, est déjà une réussite. Cette soirée est l’occasion de porter sur les fonds baptismaux deux nouveaux nés à la faculté :

  • primo, un tout nouveau blog destiné à mieux faire connaître nos résultats de recherche et votre avis. Son nom est « namurDroit » : http://blogdroit.unamur.be. Ce blog est ouvert à nos anciens qui souhaitent partager leur réflexion. Avis aux amateurs…
  • secundo, une nouvelle collection d’ouvrages aussi, qui regroupera désormais les ouvrages de nos deux centres, les thèses de doctorat namuroises, les chaires Francqui, nos manuels, etc.

C’est que la Faculté de droit a beau avoir 50 ans déjà, elle reste dynamique.

A 50 ans seulement, son avenir est prometteur !

Alors osons, Monsieur le recteur, pour lier notre sort à celui de l’université de Namur, vous qui preniez ce thème mobilisateur « osons ! » pour notre rentrée académique il y a moins d’un mois.

Osons prendre des engagements !

Osons prendre des engagements citoyens !

 

C’est un engagement social que nous avons pris en spécialisant nos centres de recherche dans deux domaines cruciaux pour notre société en mutation : l’informatique et plus généralement l’information, d’une part, avec le CRIDS (le centre de recherche information, droit et société) – et cela tombe bien dans une ville qui se veut smartcity -, d’autre part la protection des personnes vulnérables avec le centre Vulnérabilités et Sociétés qui s’occupe des enfants, des personnes âgées, des personnes isolées, des citoyens. Ces deux centres sont le fruit concentré de l’histoire avec, avant eux, le CRID, le centre droits fondamentaux et lien social, autrefois Droit et sécurité d’existence, le centre de droit régional et le centre protection juridique du citoyen.

Dans ces deux domaines, nous nous engageons par le droit et nourrissons nos étudiants

  • dès le programme de bachelier à travers deux options qui rassemblent plusieurs cours et le travail de fin de cycle
  • après le master avec le master de spécialisation en Droit des Technologies de l'Information et de la Communication (le DTIC), valeur sûre depuis de nombreuses années
  • après le master encore avec des doctorats et plusieurs certificats interuniversitaires réputés.

A terme, nous souhaitons, d’une manière ou d’une autre, faire profiter les étudiants de master en droit de nos deux spécialisations.

C’est également un engagement social que nous prenons en réfléchissant sans cesse à de nouvelles méthodes pédagogiques, plus performantes et adaptées aux générations Y et Z. Ces générations réclament davantage d’interaction et d’insertion professionnelle, ce à quoi nous nous employons de deux manières notamment. D'abord avec les stages de pratique juridique de tous les métiers du droit (notamment chez certains d’entre vous, chers anciens notaire, avocat, juge, juriste d’entreprises, médiateur, etc.…). Ensuite, avec ce que nous appelons les « Namur legal lab », c’est-à-dire les laboratoires juridiques namurois. Selon cette méthode, des étudiants réalisent leur travail de fin de cycle au départ de cas réels, par exemple en droit du bail des étudiants kotteurs. Ils reçoivent les étudiants et leurs prodiguent de premiers conseils avant de rédiger leur mémoire.

C’est un constat : plus l’étudiant avance dans sa formation, plus il a besoin d’un enseignement concret et rapproché, voire individualisé. C’est la raison pour laquelle nous sommes convaincus qu’il y a place, en Wallonie, pour un nouveau master en droit à horaire de jour avec des auditoires de taille plus réduite.

C’est encore un engagement social que nous avons pris en septembre 2016 et continuons de prendre en organisant un nouveau programme de bachelier en droit à horaire décalé. Ce bachelier s’adresse à un public adulte qui reprend des études en cours de vie tantôt pour changer de vie professionnelle, tantôt pour commencer une vie professionnelle à un âge plus avancé, tantôt pour prendre une revanche sur la vie, tantôt encore pour s’ouvrir, à tout âge, à une nouvelle discipline. Le programme répond à un réel besoin social au cœur de la Wallonie avec 63 inscrits la première année, 92 la seconde (ce chiffre est encore provisoire).

N’hésitez surtout pas à en parler autour de vous. Pas seulement pour nous encourager dans cette voie. Mais aussi et surtout pour susciter l’envie contagieuse de la formation en droit pour devenir un citoyen actif, engagé et participatif.

Cela dit, notre objectif n’est pas d’en rester là. Il est d’organiser ou co-organiser un master en droit à horaire décalé et ce à court terme pour permettre à nos bacheliers de l’horaire décalé de poursuivre leurs études au cœur de la Wallonie dans deux ans.

 

Chers anciens, chers amis.

Nous sommes conscients de l’héritage reçu de nos prédécesseurs.

Nous tentons de le faire fructifier en entretenant la flamme de la proximité (la fameuse cura personalis) dont nous allons profiter ce soir.

Tel est notre credo et notre mission.

Vive la faculté de droit de Namur !

Vive le droit !